De la dent dure

De la dent dure Petit Epagneul de Münster

Petit Epagneul de Münster

Le ressenti intéressant de Pierre après Laguiole ...

Actualité publiée le 25/07/2017

De la dent dure - Le ressenti intéressant de Pierre après Laguiole ...

L'ami Pierre , heureux patron propriétaire de Jäger de la Dent Dure , un munster , le munster sorti de chez nous qui a eu la chance de tomber chez quelqu'un qui le fait travailler , au sang , à la chasse au petit ( encore faut il avoir le temps ) comme au grand gibier m'a envoyé ce texte .Il me fait la gentillesse de me communiquer l'écrit par lequel il se fait à lui même , souvenirs  , trace écrite , le compte rendu , le bilan de l'épreuve de dimanche . Depuis l'année dernière son Jäger a réussi l'épreuve de 24 heures qui faisait de lui un conducteur de chien de sang , cette 40 n'était donc pas obligatoire pour lui , ni pour eux . C'était donc uniquement pour le plaisir , pour le fun comme disent les jeunes , par gourmandise . Pour se mettre la pression . Lisez ce beau texte . Il est  d'accord pour que je le passe sur ces actualités . J'espère juste qu'il ne me demandera pas les droits d 'auteur ...Vous verrez que le pistage , ce n'est pas toujours facile , même avec des chiens prêts . Ceux qui ont conduit en épreuve dans des conditions pas faciles comprendront , sentiront bien par quels états le conducteur peut passer quand c'est très difficile . Je m'explique ... Faire une 40 heures ou une 24 quand ça file , quand c'est facile parce que la voie est extra , du genre athlétisme derrière un chien qui rigole dans les virages et arrive au bout en 15 minutes , guère plus , j'ai déjà fait ça . Très beau , applaudissements de tout le monde , suiveurs comme juges , mais ... aucun mérite . Quand ma Circé , grand mère de Mirza a fait 100pts il y a dix ans , n'importe quel type capable de marcher très vite derrière à ma place aurait fait la même chose . Là , ce qu'a fait Pierre avec son munster , c'est autre chose , ça a beau être une piste d 'épreuve sans enjeu , ça fait passer le conducteur par tous les états . En plus , très souvent , ça n'arrive pas au bout . Là , au bout , le succès , réussite , mais à quel prix ... Il faut être passionné à l'extrême pour s'obliger à passer par des trous de souris pareils . C'était très difficile ...



LAGUIOLE 23/07/2017 – RSMR/40



Le jour est arrivé, celui de l’épreuve qui n’est pas nécessaire. Jäger est siglé, depuis un an jour pour jour, aujourd’hui ce n’est que pour le plaisir. Nous jouons à domicile. Je me suis inscrit parce que ce sont les conducteurs aveyronnais qui organisent l’épreuve et que j’avais à passer deux jours sur place de toute façon.

Le Samedi et ce Dimanche matin n’ont pas été généreux pour les autres candidats, nous en sommes à 12 pistes et 8 échecs. Philippe est passé avant le repas avec Mirza : ce fut dur mais ils ont fini. Je sais ce que vaut ce couple : à priori la voie n’est pas des meilleures ce week-end.

Il est plus de 15 heures et Danièle, la présidente du Jury, va me donner notre piste, tracée par les copains du GARS quelques 50 heures plus tôt. Mon chien vient de passer la grande partie des 30 dernières heures dans sa caisse dans la voiture, il est tendu.

Un baron célèbre a dit que l’important c’est de participer. Certes, mais on ne se prépare pas pour échouer. Nous avons travaillé consciencieusement, je sais que mon chien est au niveau, et si nous sommes là aujourd’hui c’est justement pour le montrer.

Tout cela pour dire que la pression monte.

C’est parti, je donne l’Anschuss à Jäger. Pour la première fois de sa vie, il tourne en rond, revient au poil, ne part pas. Il fait encore un tour avant de prendre son parti : il ne doit pas rester grand-chose au sol. Cette sensation des premiers mètres va se vérifier sur toute la longueur de l’épreuve. Sur l’ensemble peut être qu’une longueur de 100 mètres sera réalisée d’une traite, surement pas plus.

Cette faible voie a rendu mon chien sensible à la conduite, ce coup-ci il a besoin d’aide. Il va falloir que je sois à la hauteur de mon binôme. Ce fût la pensée présomptueuse du jour et c’est ainsi qu’au moins l’un des deux rappels est de ma faute, moi seul. Deux coups de nez à droite, au vent, manifestement sur du frais, j’annonce. Clin d’œil de Danièle : les juges ont vu la bête (j’ignore toujours laquelle mais on m’a dit qu’il était beau), je suis bon. Trois mètres plus loin, coup de nez haut à gauche, j’envoie un discret roulé sur la longe et mon chien continue sur la courbe de niveau … laissant à gauche l’équerre qu’il a marquée au mètre près. Rappel, compris, mea culpa.

Sur la longueur suivant cette équerre nous avons progressé dans le dortoir du secteur. Jäger avance par à-coups, péniblement, mais avance jusqu’à une clairière. Dans la clairière défaut absolu, rien, il faut faire les avants à deux reprises pour retrouver l’axe de la piste. Ce passage est toujours jonché de couchettes, à ce moment le chien semble s’y intéresser bien plus. Il me marque une couchette, puis un crottier, et enfin une autre couchette. Je gronde mon chien au moment où il fait bouger du museau les poils de la première reposée. Compris, maintenant je vais me taire aussi.

La progression continue, difficile, puis un rappel sur une petite prise d’angle, à un moment ou le chien était perdu, sans que je puisse l’aider. Ni lui ni moi n’avons procédé suffisamment tôt à la manœuvre, tentant d’exploiter une courbe de niveau plausible.

Avant d’arriver à la dernière équerre, cela doit déjà faire près d’une heure que nous sommes sur cette piste, j’ai encore droit à un grand moment de solitude. Sur un petit coteau en dévers, dans un bois bien clair, Jäger mis en défaut va arrêter de chasser. Plus rien : plus un pas, les yeux en l’air, 10 centimètres de langue dehors. Il a soif et je n’ai pas d’eau ; pas besoin nous avons TOUJOURS fini en moins de 45 minutes. Je ne peux rien faire et il en a marre. Le temps de faire ce constat, de tenter d’encourager mon chien, de prévenir les juges que je repars à la dernière reposée 50 mètres derrière, y aller, cela fait 2 ou 3 bonnes minutes qu’il a arrêté de pister.

Je le remets à la reposée et, sans grand optimisme, lui demande le rouge. Que va-t-il faire ? Avec un cœur gros comme ça il repart, dépasse ce défaut pour trouver la dernière équerre. Ouf ! Nous continuons poussivement vers ce qui est la dernière ligne droite. Ce sera le supplice du conducteur.

Nous arrivons sur une cassure entre le plateau sur lequel nous évoluons depuis un moment et la pente qui pourrait nous ramener vers le niveau du départ, et donc de l’arrivée. Sur cette crête mon chien prend de haut nez le vent qui remonte la pente et prend un bel arrêt de Münsterlander. Belle image, mais avec ce que l’on a déjà traversé, c’est le coup de grâce. Je fais signe aux juges et suiveurs de s’arrêter, j’ai besoin de réfléchir.

L’arrivée, la peau, est nécessairement au bas de cette pente près du chemin. Le vent vient de là. Dans les feuilles on devine quelques pas dans cette direction. Nous sommes arrivés, nous avons trouvé. Le problème c’est que le chien est à l’arrêt.

Je m’en ouvre à Danièle qui vient aux nouvelles : soit c’est un second frais, soit nous sommes arrivés ce qui est le plus probable à mon sens. Mais le seul moyen d’en avoir la certitude c’est que mon chien remette le nez au sol et nous y emmène. Elle en convient : ce serait effectivement plus propre comme façon de finir.

Je n’ai aucune idée de la manière de m’y prendre pour ce faire, mais cela je l’ai gardé pour moi.

Il fallait avancer, ces 150 derniers mètres il nous aura fallu plus de dix minutes pour les parcourir. A ce moment les esprits de tous mes setters sont venus à notre aide. J’ai fait ce que je sais faire : à défaut d’un pistage convaincant cela a plutôt ressemblé à une succession d’arrêts sur émanation directe et de coulés le nez sur un sol qui ne devait pas sentir grand-chose. Beau travail sur des perdreaux en plaine, mais ici et aujourd’hui …

Dix minutes à voir briller le toit de deux voitures, sans pouvoir avancer plus vite que le chien. Dix minutes à craindre le dernier et fatal rappel. Dix minutes pour trouver une peau que Jäger serait allé chercher et m’aurait rapportée en une minute si je lui avais enlevé la botte et ordonné « Apporte ». Non pas dix minutes mais un siècle.

Je le confesse : à partir d’ici mes souvenirs ne sont plus fiables. Les seules choses que je puisse écrire avec certitude c’est que Jäger a tenu la peau dans sa gueule et que j’ai eu les yeux humides.

J’ai entendu un instructeur de la Légion dire que pour craindre l’Enfer il faut l’avoir visité. C’est sans doute exagéré dans notre cas, mais aujourd’hui le diable nous a ouvert son antichambre.
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