la traque en été , c'est spécial ...

Pour la première fois de ma vie cette année j'ai eu l'occasion de faire travailler mes chiens , l'équipe , en traques les douze mois de l'année . En effet depuis janvier je fais les traques et quelques recherches au sang au parc de chasse du Calmels , près du Caylar . Les chiens se régalent , des tableaux importants , souvent entre 30 et presque 50 animaux , c'est éreintant pour tout le monde mais ils vivent pour ça , moi aussi . Les traques au Calmels , deux par mois de janvier à fin avril , avec une dernière chasse le 11 mai , nous ont tous maintenus en forme . Lors de cette dernière traque , j'ai reçu un coup de fil d' un vieil ami Lodèvois qui me demandait si je serais intéressé par le fait de chasser à Lauroux , que je pourrai sortir mes chiens , que ça démarrait le premier juin . Demandez à un aveugle s'il veut voir ...

Enfin bref nous avons pour la première fois de notre vie pu enchainer , non stop , avec des fortunes diverses , et c'est sur ce sujet que je veux essayer d'expliquer ce qui se passe dans des périodes qui ne sont pas les périodes habituelles de chasse en battue . La battue habituellement , c'est en hiver , même si ça commence en automne . Et bien en été , en juin juillet août , même en septembre , parfois en octobre quand les températures sont élevées , les performances des chiens ne sont pas du tout ce qu'elles peuvent être . Pas du tout ...

Quelques anecdotes survenues dernièrement , qui vous donneront l'occasion si vous connaissez les chiens de bien sentir que c'est spécial :

Acte 1:

16 août dernier , je traque au Landre chez l'ami Olivier , avec mon vieil ami Jean , qui a amené seulement 4 chiens , deux kopovs et deux wachtelhunds . Sur le paquet de chiens qui sont dans ses chenils , inutile de préciser que ce ne sont pas les plus mauvais . A un moment , je me rends compte que deux de mes chiens parmi les plus expérimentés trainent en arrière de 250 mètres . J'informe Jean que je vais voir ce qui se passe parce que c'est bizarre , arrive sur les lieux et ça démarre devant moi : bagarre , jappements , essais de prise , dix secondes à peu près , le temps pour Jean et moi de hurler " Attention " , deux fois , parce que ça va démarrer , et plus rien . Rien , les buis et les épines devant moi sont redevenus silencieux , il n'y a que moi qui crie aux chiens d' y aller , de le choper en rentrant avec eux là dedans mais rien de rien . La honte ... 20 secondes après même chose 40 mètres plus haut , pendant 4 ou 5 secondes pendant lesquelles j'entends bien le Parson essayer de placer une prise , se faire virer , et plus rien ...

Les chiens tournent prudemment , comme ils ne le trouvent pas je leur fais reprendre le trou à bon vent , remonte en dix minutes les deux ou trois cent mètres qui me ramènent vers l'ami Jean qui me dit immédiatement : " ça doit être ta drahthaar , j'ai vu passer un truc à 80 mètres , comme un sanglier , mais ça doit être ta drahthaar parce que quand je suis arrivé dessus une minute après avec mes chiennes elles ne l'ont pas pris " . Je tempère les certitudes de mon vieil ami en lui expliquant que mes supers chiens viennent deux fois de suite de ne pas être foutus de chasser plus de 10 secondes un sanglier qui était sous leur nez , que c'était peut être bien ça qu'il avait vu passer ... Deux minutes plus tard , cent mètres plus loin , je vois Baxter éventer dans un épais , entrer tout doucement à l'intérieur de la remise , les autres chiens de l'équipe rentrent aussi , les clochettes trahissent des déplacements prudents , il est là . Bagarre , buis et ronces arrachés sur dix mètres dans un sens , puis dans l'autre , puis des grognements . Il était là , il est pris ! Je contourne l'épais , le prend par une oreille et le dague , il est tenu par les chiens , c'est de la rigolade , pas loin de 70 kilos quand même ...

Fin de l'acte 1 , pas de quoi pavoiser , les chiens ne chassent pas , ça ne sent rien ; ils ne sont pas capables de faire faire 100 mètres à un sanglier , tout ce qu'ils sont capables de faire , c'est de le choper s' il est là et ne veut pas se sauver . Le mois d' août quand il fait si chaud , ça ne sent rien , ça ne vaut rien .

Des actes 1 , dans lesquels les chiens ont été pitoyables de cette façon , j'en ai vécu plusieurs depuis celui que je viens de vous raconter , souvent moins agréables parce que se terminant de façon moins glorieuse .

Acte 2 :

Mois de novembre , l'année dernière sur le Larzac , la Couvertoirade . Nous traquons le chef et moi sur le plateau , les chiens démarrent un chevreuil qui se fait tirer , tuer à 500 mètres , reviennent en trois minutes . Nous continuons et les chiens " bombardent " , galops soutenus , certains traquent à plusieurs centaines de mètres de nous . A un moment Rémi qui a meilleure oreille que moi s'arrête et me demande si j'entends aboyer . A force d' avancer encore cent mètres effectivement j'entends aboyer au ferme , c'est Baxter , il est à 7 ou 800 mètres , il a du les sentir avec le vent dans le bon sens , et en a eu pour deux minutes pour aller là bas . Au final effectivement trois sangliers seront tirés de l'autre côté de la bosse , de mémoire un seulement arrêté , mais Rémi me soutiendra mordicus : " il est allé les chercher à un kilomètre ! " .

Bien sur , c 'est exagéré , Baxter est peut être parti derrière les sangliers qui avaient commencé à foutre le camp devant nous au moment où le chevreuil se faisait tirer , et est allé les mettre au ferme effectivement à presque un kilomètre . Mais cette anecdote parmi des paquets d' autres permettant de se rendre compte que les conditions météo ont une influence immense sur le rendement olfactif de nos compagnons .

Quand il fait très chaud , ou que la chaleur provoque beaucoup d'évaporation , ou que les odeurs de champignons sont trop importantes , ou etc ... , parfois , les chiens courants sont incapables de tenir un pied , un animal seulement deux cent mètres . Les mystères de la voix , du pied , du sentiment , je ne sais pas comment il faut appeler ça , mais certains veneurs ont passé leur vie à essayer de comprendre ce qui se passait sans vraiment y parvenir . Avec des chiens courants ...

Alors imaginez ce que ça peut donner avec nos chiens d 'arrêt , quand il s'agit de leur faire mener , voire trouver du gros gibier .

Nous , traqueurs aux petits chiens , chiens d 'arrêt ou roquets divers , aurons toujours des difficultés à ne pas passer pour des clowns en début de saison . Nos chiens qui dans de bonnes conditions sont capables de mener le grand gibier sur 7 ou 800 mètres , voire un kilomètre , ne seront plus capables de grand chose d' autre que d'attraper un effronté qui ne veut pas se décider à filer . Donc pas capables de briller , de faire ce pourquoi ils sont là , c'est à dire lever et mener pas loin les animaux qui sont dans la traque , vite partir et vite revenir .

Ci dessus une photo de Dara et Geko entre autres qui tiennent un 50 kilos blessé de patte avant , celui que je n'arrivais pas à coincer avec ma chienne de sang . Prise en moins de 5 secondes . Mais avant ça , ils avaient trouvé des sangliers auxquels ils n'avaient pas été capables de faire faire plus de deux cent mètres , pitoyables ...

Vraiment , l'été , c'est spécial . Il est facile depuis les bureaux climatisés de la préfecture de décrèter qu'il va falloir chasser les sangliers en été sur les zones noires de l'hérault sur lesquelles les problèmes de dégats sont énormes . Il est impossible de chasser dans des conditions correctes à cette époque .